jeudi 10 décembre 2020

Uri

Uri Trier est décédé au printemps 2019, bien avant la pandémie du COVID 19. Etant donné que j'ai parlé de Walo Hutmacher décédé il ya quelque semaine je ne peux pas ne pas parler de lui qui a été un autre ami avec qui j'ai beaucoup fraternisé avant de partir pour l'OCDE en 1975 et aussi après. Comme cela s'est passé avec Walo je ne l'ai plus rencontré dans les dernière années avant son décès. Il était venu une fois à Paris pendant la retraite et on avait dîné à la place de la Contrescarpe dans le 5ème arrondissement mais je l'avoue que j'ai mal pris son faux départ pour les Etats Unis au début du XXI siècle après avoir reçu à Neuchêtel à la fin du séminaire du projet DESECO de l'OCDE  un joli cadeau pour son séjour fictif à Washington D.C. Il avait compris que la coexistence avec Rita ne pouvait pas fonctionner. Je crois que le cadeau c'était un abonnement général d'une année pour deux personnes à un centre de concert de Washington D.C. Cependant tous aussi lui que moi on est resté en contact grâce à Facebook.

Uri était un psychanalyste, il a grandi à Montevideo, est né à Frankfurt et a passé quelques années en Israël où il  a participé à la guerre des six jours. Sa vie a été brillante et aventureuse. Il  m'en a parlé quelque fois. J'en connais des bribes. Il parlait couramment espagnol et il a passé le bac à Montevideo. Je me rappelle de deux cas qui l'avaient très touché: le premier ,  c'était quand il est devenu citoyen suisse et quand il a reçu un passeport helvétique ( qui a une couverture rouge) et puis, le deuxième quand il s'est séparé de sa première femme que je n'ai jamais rencontrée pour aller vivre avec Rita Somazzi, que les copains appelait "le colibri", pour ses excès de maquillage. Il était ravi de cet amour et il m'en a parlé souvent  avec passion et enthousiasme, il m'a montré la photo de Rita. 

Lui aussi a été un copain qui avait une conception de l'éducation et du système scolaire suisse bien différente de celle dominante en Helvétie en ce moment-là. On ne faisait pas de la recherche sur le système scolaire et on étudiait pédagogie à l'uni pour faire de la carrière politique dans le système scolaire.Uri était important pour moi car il était différent. Il dirigeait le service de recherche du canton de Zürich et il avait comme chef le conseiller d'état Alfred Gilgen un homme d'extrême droite, colonel dans l'armée suisse,  avec qui Uri était en conflit, qui a dirigé le Département zurichois de l'instruction publique pendant 24 ans.  J'ignore au contraire comment les choses se passaient dans le service  de Trier. J'ai rencontré une fois Rita Steiner , une collaboratrice très qualitativiste, qui a passé une partie de sa vie à New York ( peut-être elle y est encore).

Uri était plus créatif que Walo. Il était très critique vis à vis du système scolaire et de l'évaluation scolaire et il avait des idées de renouvellement qu'il ne pouvait pas développer en Suisse. Il a été très actif dans le groupe ou réseau A (ainsi on le désignait) du projet INES , celui qui était dirigé par les Etats Unis et qui a été pris en main par Andreas Schleicher pour produire et vendre le projet PISA. Le réseau était dirigé par Eugene Owen,  décédé aussi. Trier a lutté pour une évaluation internationale comparée  des acquis des élèves que tous les pays voulaient mais il souhaitait une évaluation scolaire constructive. Il a été une des figures clé du projet interne " Préparé pour la vie "  et avait demandé de tester avec  une enquête non scolaire, les jeunes. On ne l'a pas encore fait. Je me rappelle fort bien son texte sur l'école et je fus très déçu lorsque en tant que directeur du projet 33 du Fonds National Suisse pour la recherche scientifique ( Walo était le président de ce projet),  il avait saupoudré  la somme d'argent  mis à disposition par le Fonds National(plusieurs millions de francs suisses) au lieu d'investir dans la recherche sur l'évaluation. Peut-être ils ( lui et Walo) ne pouvaient pas faire autrement, mais nous n'en avons jamais parlé. 

J'ai rencontré Uri plusieurs fois à Berne lorsqu'il dirigeait le projet 33. Il tenait beaucoup au prestige et à la reconnaissance de ses capacités. J'étais surpris de cette exigence: une belle voiture, de beaux hôtels, une belle chemise , de belles cravates. Bien habillés, toujours, élégants. Il avait fini pour chercher un poste de chargé de cours de psychologie  à l'Université de Neuchâtel ( comme Walo  qui par ailleurs souhaitaient devenir professeur à l'Université de Genève). Il m'a expliqué longuement ce qu'il souhaitait faire avec le rapport  final du projet , y compris les nouveautés typographiques qu'il avait adoptées et insérées dans le rapport.

J'ai le souvenir d'un homme brillant, ambitieux. J'ai perdu avec lui un copain dont la langue principale était l'espagnol mais qui avait comme  langue maternelle  l'allemand et maîtrisait l'anglais, l'hébreu et le français. Une personne du Nord qui avait vécu au Sud. Une rareté. 

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